Attention aux escrocs! Vos identifiants sont confidentiels, ne les communiquez jamais. Vérifiez bien les coordonnées du bénéficiaire/montant de vos paiements. Soyez vigilant lors d’appels venant d'un support informatique. N’installez jamais de logiciels d’accès à distance. En savoir plus

Troisième trimestre 2022: pourra-t-on maîtriser l’inflation sans stopper la croissance?

Le retour des obligations

  • Les taux retrouvent des niveaux plus réalistes.
  • Certains segments obligataires gagnent en intérêt. 

Les marchés des actions ont fortement réagi à la rapide hausse des taux de ces six derniers mois. À mi-juin, l’indice américain S&P 500 perdait plus de 20% sur 2022 alors que le rendement des bons du Trésor américain à dix ans testait la barre de 3,5%, lui qui évoluait aux alentours de 1,5% en début d’année. Une première depuis plus de dix ans. Même en Suisse, les obligations de la Confédération à dix ans ont quitté le territoire négatif où elles évoluaient encore en janvier pour dépasser 1,3%.

Inflation tenace 

Cette spectaculaire hausse des taux longs s’explique notamment par l’enracinement de l’inflation à des niveaux plus revus depuis les années 1980. Ainsi, après avoir longtemps, trop longtemps, mené une politique monétaire extrêmement accommodante, les Banques centrales ont changé de discours. Elles ont déclaré la fin des mesures de relance quantitative et enclenché le mouvement de hausse des taux courts. La Réserve fédérale américaine a même procédé à un mouvement de 75 points de base en juin, une ampleur jamais osée depuis 1994. Quant à la Banque nationale suisse (BNS), elle a surpris les marchés en relevant son taux directeur de 50 points de base, en juin toujours, une première hausse depuis septembre 2007. Actuellement, les taux longs reviennent à des hauteurs qui expriment davantage la réalité conjoncturelle qu’ils ne le faisaient en début d’année. 

Ont-ils atteint leur sommet? Les taux longs – qui réagissent non seulement aux anticipations d’inflation, mais aussi à la situation conjoncturelle et aux politiques monétaires – peuvent encore progresser quelque peu au vu des incertitudes, mais la réaction des marchés obligataires laisse à penser que, pour cette année, la plus grande partie de la hausse est réalisée. Les rendements des obligations anticipent le retour en territoire positif des taux directeurs de la Banque centrale européenne (BCE) en seconde partie d’année, tout comme ceux de la BNS. Ils s’attendent également à ce que le taux directeur de la Fed évolue aux alentours de 3%-3,5% au début de l’an prochain.

Correction obligataire 

La forte hausse des taux longs a non seulement fait chuter les marchés des actions, mais a aussi provoqué la plus importante correction des marchés obligataires depuis près de cinquante ans. Entrouvrant ainsi une fenêtre d’opportunité pour cette classe d’actifs dont les rendements évoluent à l’inverse des prix. L’inflation tenace en limite cependant l’attrait. Les obligations restent à sous-pondérer, mais de manière moins prononcée que ces dernières années. Les échéances courtes à moyennes et les titres de qualité présentent le meilleur rapport entre rendement et risque. Ainsi, les obligations suisses que l’on retrouve dans l’indice SBI AAA-BBB 1 à 5 ans proposent aujourd’hui un rendement moyen de plus de 1,5% pour un risque raisonnable. 

La réévaluation des obligations n’est pas sans conséquence sur les autres marchés. La progression des rendements obligataires n’est pas de bon augure pour l’immobilier titrisé qui voit son attrait relatif diminuer. Les agios, les primes payées pour détenir des parts de fonds immobiliers, ont chuté sous leur moyenne historique de 25% en Suisse après avoir dépassé les 50%.

Ces différents actifs sont-ils encore chers ou déjà bon marché? Tout dépend de la capacité des autorités monétaires à maîtriser l’inflation sans stopper la croissance.

Le cycle économique touche-t-il à sa fin?

  • Les marchés financiers ont fortement baissé depuis le début de l’année.
  • L’économie devrait encore progresser en 2022, mais les doutes croissent pour 2023.
  • Les actions ont retrouvé des valorisations proches de leur moyenne historique. 

L’ours rôde autour des marchés financiers, attiré par la persistance de l’inflation, la forte hausse des taux longs et le ralentissement de la croissance. Ainsi, l’indice américain S&P500 est entré à mi-juin en bear market, pour reprendre l’expression imagée du jargon boursier utilisée pour qualifier un marché baissier, soit ayant enregistré un recul d’au moins 20% depuis son dernier sommet.

Sur des marchés dopés aux liquidités, cette baisse s’explique essentiellement par la hausse des taux longs, elle-même engendrée par une inflation plus tenace qu’attendu. Ainsi, en mai aux États-Unis, les prix ont progressé de 8,6% sur un an. Les marchés s’inquiètent non seulement du rythme de l’inflation, mais surtout de sa ténacité. Elle s’est en effet insinuée dans tous les pans de l’activité américaine. En Europe également, les prix s’enflamment (8,1% en mai) entraînant, dans leur foulée, les salaires. Même en Suisse, pays pourtant longtemps protégé par la force de son franc, l’inflation est notable à 2,9% en mai, menaçant la stabilité des prix. 

La valorisation des actions mondiales est descendue sous sa moyenne à long terme qui est de 16x les bénéfices estimés. Deux tiers de cette réévaluation s’expliquent par la forte hausse des taux longs, conséquence de la persistance des tensions inflation nistes. Une inflation qui peut, selon son ampleur, à la fois soutenir les bénéfices et nuire à la croissance de l’activité.

L’élan économique de 2022

Cette persistance de l’inflation a contraint les banques centrales à finalement intervenir. D’abord au pas, puis au galop. Encore sous le coup des chocs d’inflation et des taux, les marchés doivent-ils craindre un choc de croissance? L’économie mondiale était appelée à ralentir après la forte reprise post-pandémique. Or, depuis le début de l’année, le processus de ralentissement accélère en raison de la guerre en Ukraine, de la politique zéro COVID de la Chine et, bien sûr, de la persistance de l’inflation.

La croissance peut compter aujourd’hui sur sa dynamique de début d’année. Un élan qui se traduit notamment par un marché de l’emploi et des revenus des ménages solides. Ce socle devrait permettre à l’économie mondiale de croître encore cette année, même si les prévisions sont régulièrement revues à la baisse. Les indicateurs avancés ne laissent pas entrevoir de stagnation ou de récession en 2022. Pour l’an prochain en revanche, les probabilités augmentent d’enregistrer la fin de ce cycle économique commencé après l’explosion de la crise sanitaire et déjà entré dans sa phase de maturité. 

La poursuite de la croissance mondiale en 2023 dépend aussi grandement du moral des acteurs économiques, dont une chute enrayerait le moteur actuel de l’activité. Aux États-Unis, le ralentissement de la croissance et les premières hausses de taux n’ont pas suffisamment agi sur l’inflation qui érode le pouvoir d’achat des ménages et les marges des entreprises. D’où la décision de la Réserve fédérale (Fed) d’accélérer le mouvement de resserrement monétaire en juin. La progression des prix devrait ralentir en seconde partie d’année, mais restera à des niveaux élevés.

Équilibre difficile 

Cette situation complique encore davantage le maintien du difficile équilibre entre inflation, taux et croissance. La pression est ainsi grande sur la Fed, elle qui a modifié sa politique monétaire alors que le taux de chômage se situait en dessous du seuil de plein emploi – ce qui rend plus complexe la maîtrise de l’inflation –, et alors que le cycle économique avait déjà atteint sa maturité. En Europe, le changement de régime monétaire devrait conduire à une stagnation de l’activité cet automne. Il réveille par ailleurs la crainte d’un écartement entre les taux des différentes économies. La Banque centrale européenne (BCE) dit disposer d’outils «anti-fragmentation» afin d’éviter la création d’un fossé entre les taux allemands et ceux d’économies plus fragiles. 

Les rendements des obligations suisses de qualité à échéance de 1 à 5 ans (SBI AAA-BBB 1-5 ans) ont fortement progressé depuis le début de l’année. Après le brusque tour de vis de la Banque nationale suisse (BNS), le marché anticipe un retour de son taux directeur en territoire positif d’ici à la fin de l’année.

Prudence maintenue 

La question de la fin de cycle pèse d’autant plus sur les marchés qu’une stagnation de la croissance n’est que partiellement comprise dans la réévaluation à la baisse des actions. Si l’activité se poursuit, même à un rythme ralenti, les indices pourraient rebondir durablement. En revanche, si l’inflation n’est pas maîtrisée et pousse l’économie vers une récession, ils pourraient encore chuter. Cela dit, les investisseurs et les investisseuses peuvent désormais compter avec des valorisations proches de leur moyenne historique, ce qui entrouvre des portes à qui cherche à se positionner sur le long terme, au-delà de la volatilité appelée à demeurer prochainement.

Ainsi, nous maintenons une certaine prudence envers les marchés des actions en observant attentivement les données liées à l’inflation et au moral des acteurs économiques.

La parité de pouvoir d’achat entre l’euro et le franc se situe aujourd’hui à CHF 1,08. Elle était encore de CHF 1,25 en 2015. Depuis le début de l’année, l’euro a évolué dans une fourchette allant de CHF 1 à CHF 1,06. La surévaluation du franc par rapport à la monnaie unique a ainsi diminué. Cette estimation est une moyenne, la situation peut fortement varier d’un secteur d’activité à un autre.

Actions: des valorisations plus raisonnables

1. La réévaluation des actions est-elle terminée? 

La baisse des marchés des actions depuis le début de l’année a touché la plupart des marchés, marchés défensifs compris en raison de la forte hausse des taux longs. Les marchés orientés énergie (Canada, Royaume-Uni) ont mieux résisté à la tendance générale. Cette réévaluation a permis aux valorisations de revenir à des niveaux plus raisonnables par rapport à leur évolution historique. Nous maintenons pourtant une position avec un biais défensif, car l’environnement conjoncturel reste mitigé et à faible visibilité. Le risque de fin de cycle est ainsi à surveiller. Les actions devraient rester sur leur tendance irrégulière et volatile cet été. Nous maintenons notre préférence pour le marché américain, mais de manière plus modérée, et optons pour des valeurs, comme la santé, moins sensibles aux taux que ne le sont la technologie et les sociétés de communication. Quant au marché suisse, sa progression dépend une fois encore de la conjoncture mondiale. Il est aujourd’hui encore surévalué par rapport à sa moyenne historique.

2. Les matières premières ont-elles encore un potentiel de diversification? 

Rare classe d’actifs à gagner du terrain en 2022, les matières premières devraient rester compétitives cette année par rapport aux actions. Elles bénéficient, en effet, de l’environnement durablement inflationniste, mais leur performance passée en limite toutefois la progression. Elles gardent leur potentiel de diversification dans certains profils de portefeuille. Tous les secteurs ne présentent toutefois pas le même potentiel. L’énergie est le principal soutien des indices et devrait le rester tant que les tensions sur l’offre persistent. Les métaux industriels, plus délaissés actuellement, s’annoncent plus attrayants pour ces prochaines années. Ils devraient ainsi profiter de la demande engendrée par le mouvement de transition énergétique friande de métaux divers. L’or vit lui une situation contradictoire. Il pâtit de la hausse des taux américains, mais pourrait être soutenu par les incertitudes économiques et politiques.

3. Le franc va-t-il garder sa force? 

Le franc a réagi à la hausse surprise des taux de la BNS. Il s’était auparavant légèrement affaibli après l’annonce par la BCE d’un prochain changement de politique monétaire. L’évolution de l’euro va grandement dépendre de la capacité de l’économie européenne à résister à la hausse des taux et aux effets de la progression des prix. Le dollar bénéficie de la politique monétaire plus stricte de la Fed et de l’augmentation des incertitudes économiques, ce devrait encore être le cas durant l’été. Mais à plus longue échéance, le billet vert devrait s’affaiblir, notamment contre le franc, car l’inflation américaine s’annonce durablement plus élevée.