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Perspectives quatrième trimestre - Une relance extravagante

  • La Fed fait entrer sa politique monétaire dans une nouvelle ère.
  • Des taux bas pour soutenir durablement l’économie et les marchés.

Les chiffres donnent le tournis. Si elles injectent les liquidités annoncées dans l’économie, les quatre plus grandes banques centrales de la planète auront augmenté leur bilan de manière exponentielle. Si l’on ajoute celui de la Chine à leur effort, c’est l’équivalent de 17% du PIB mondial qui a été dépensé pour éviter que le coronavirus n’engendre une dépression globale. L’aide débloquée frappe par son ampleur et par le fait qu’elle est parvenue à synchroniser l’action des autorités monétaires et politiques.

Priorité à l’emploi

Un événement symbolise particulièrement le changement de paradigme engendré par la crise sanitaire: la Réserve fédérale a bouleversé la priorité des objectifs de sa politique monétaire. Si la banque centrale américaine n’a pas modifié son objectif de plein emploi, elle l’a fait passer devant la maîtrise de l’inflation. Jusqu’alors elle visait un objectif d’inflation de 2%, au-delà elle intervenait afin de juguler la croissance et ses effets indésirables sur les prix. Désormais, elle vise une inflation moyenne de 2% sur un certain temps. Ce qui implique qu’elle n’interviendra pas systématiquement une fois la barre franchie, mais que son intervention sera davantage guidée par la santé du marché du travail. Le président de la Fed, Jerome Powell, l’a souligné: «les taux resteront très accommodants jusqu’à ce que l’économie ait largement entamé sa reprise». Derrière cette décision se cache notamment la crainte des conséquences de la hausse des inégalités entre groupes socio-économiques aux États-Unis. Une situation aggravée par la crise du coronavirus.

Interventionnisme accru

Cette évolution des politiques monétaires ne touche pas que les États-Unis. Même si la Banque centrale européenne n’a pas directement emboîté le pas à la Fed, elle doit suivre au risque de voir l’euro se renchérir trop fortement. Elle participe aussi à ce mouvement qui voit les institutions monétaires donner aux gouvernements les moyens de soutenir économiquement et socialement leurs administrés. Non seulement elles injectent des liquidités dans le système économique, mais elles acquièrent de la dette tant publique que privée.

Cette orientation stratégique, qui ancre une politique monétaire structurellement plus expansionniste, induit des conséquences économiques et financières à plus ou moins longue échéance. Elle soutient l’endettement toujours plus important des États – et des entreprises – et favorise l’interventionnisme des gouvernements pour éviter toute dislocation de l’économie et de la société.

Jusqu’en 2023?

Elle confirme que les taux vont rester durablement bas. Selon les prévisions actuelles de la Fed, la situation ne devrait pas évoluer avant 2023. Ce changement de paradigme pèse sur le marché obligataire de qualité et influence le marché des changes. Le dollar devrait évoluer plus mollement, même s’il peut se renforcer ponctuellement lors de phases économiques plus tendues.

À plus court terme, la Fed soutient les marchés boursiers – Wall Street est en effet devenu too big to fail, trop important pour que les États-Unis ne laissent s’installer un marché durablement baissier.   

L’enjeu des plans de soutien: quelle vigueur pour la croissance?

  • La confiance et l’évolution du coronavirus sont les clés de la reprise.
  • Une reprise dynamique soutiendrait l’emploi.
  • Le potentiel haussier des actions dépend de la forme de la reprise.

Quels seront les effets des milliers de milliards de soutien sur la qualité de la croissance? C’est la question clé de cet automne pour l’économie – notamment le marché de l’emploi – et les marchés financiers. Techniquement, la récession est terminée. L’économie mondiale s’est bien reprise durant l’été. Il n’empêche: l’exercice 2020 se terminera dans le rouge, un rouge très sombre même. En fait, la granularité habituellement utilisée pour définir ce qu’est une récession, soit deux trimestres consécutifs en négatif, est trop grossière pour cette crise si particulière, caractérisée par des mouvements violents, mais rapides.

Rechute peu probable

Débloqués rapidement dans le but d’éviter que le monde ne sombre en dépression, ces milliers de milliards rendent peu probable l’un des scénarios esquissés depuis l’éclatement de la crise sanitaire, celui d’une rechute brutale qui conduirait les courbes de la croissance à dessiner un W. Ceci bien sûr à condition qu’une nouvelle vague pandémique ne contraigne les autorités à reconfiner la population.

Croissance plus lente

L’ensemble de ces fonds ne devraient cependant pas non plus permettre un retour rapide à la situation d’avant-crise. Plusieurs éléments freinent la reprise de l’activité, poussant l’économie mondiale dans une phase de croissance plus lente. Tout d’abord, l’effet de rattrapage s’atténue. Ensuite, de nombreux secteurs tournent encore au ralenti, comme l’aviation, le tourisme, voire le commerce international. Enfin, le coronavirus et ses conséquences occupent encore le devant de la scène.

Conséquence, la vigueur du redressement peut encore fortement varier entre amorphe (environ 1,5%) et dynamique (plus de 3%). Elle dépendra notamment de trois facteurs qui peuvent être résumés en trois questions. Comment va évoluer la pandémie? Les autorités politiques et monétaires peuvent-elles assumer d’autres mesures pour soutenir l’économie? Quel impact la montée du chômage aura-t-elle sur le comportement et la confiance des acteurs économiques?

Reprise déséquilibrée

Dans les pays développés, les mesures prises devraient assurer au moins une reprise modérée. Sa vigueur n’est cependant pas uniforme et Pékin et Washington se disputent toujours la primauté de l’économie mondiale. En Chine, un retour à la normale de l’activité se dessine pour la fin de l’année. Les effets de la pandémie restent présents, notamment dans la confiance et le comportement des ménages, mais les ventes de détail ont, par exemple, passé dans le vert en août, une première en 2020. Aux États-Unis, le taux de chômage, toujours élevé, continue de baisser et l’activité pourrait récupérer d’ici la fin de 2021. Le mouvement est plus lent dans les autres zones économiques comme le Japon et l’Europe.

Essentiel dans l’appréciation de la reprise, le marché de l’emploi est entouré de grandes zones d’ombre. De nombreux secteurs d’activité restent durablement touchés et le chômage de longue durée devrait s’accroître. Aux États-Unis, les déséquilibres sur le marché du travail progressent.

Marchés en quête de confirmation

Ainsi, après une phase en V, la reprise devrait ralentir tout en restant positive. Importante pour le marché de l’emploi, sa vigueur l’est aussi pour les marchés financiers. Soutenus par les mesures de relance extraordinaires, par les taux bas et l’abondance de liquidités, leur fort rebond et la valorisation qui en découle ne peuvent se justifier que par une croissance suffisamment solide.

Les résultats de l’analyse de la vigueur de la croissance agiront ainsi avec un effet de levier sur l’évolution des marchés. Dans une ambiance plus morose, les investisseurs se préoccuperont davantage de l’évolution des bénéfices des entreprises. Une croissance dynamique justifiera, elle, les multiples boursiers et les attentes bénéficiaires.

La vigueur de la reprise va arbitrer le match entre deux groupes de valeurs. Les marchés américains, les valeurs technologiques, les grandes capitalisations suisses, les valeurs de croissance d’un côté et, de l’autre, l’Europe, les marchés émergents, les valeurs cycliques, les petites et moyennes capitalisations ou encore les actions dites «value», bénéficiant d’un certain potentiel de rattrapage. Une croissance plutôt dynamique qu’amorphe, notre scénario, rendrait la compétition entre les deux groupes plus serrée. La situation accentue l’importance de la diversification des placements. Or, dans cette quête de mitigation des risques, les obligations de qualité perdent de leur attractivité en raison de la répression persistante des banques centrales. 

Le taux de chômage aux États-Unis a passé de 10,2% à 8,4% entre juillet et août. Cette baisse cache des disparités entre les secteurs et un accroissement du chômage de longue durée. Autant de freins à un retour rapide de l’activité à sa situation d’avant-crise.

Une croissance de 1,5% environ à l’horizon 2021 aux États-Unis ferait craindre pour les bénéfices et engendrerait une évolution irrégulière des marchés. En revanche, plus elle se rapprochera de 3%, plus elle soutiendra les actions et permettra un certain rattrapage des valeurs plus pénalisées durant la crise.

Le rendement des bons du Trésor américain à 10 ans reste bas à l’horizon 2021, preuve que la Fed avec ses mesures de répression financière veille sur l’évolution des taux longs. La détention d’obligations de qualité est ainsi peu attrayante, surtout que les taux réels, qui prennent en compte l’inflation, sont négatifs.

La stratégie d’investissement en 3 questions

Tendance haussière pour les actions

1. Quelle part d’actions privilégier dans les portefeuilles?

Malgré le fort rebond des marchés des actions depuis ce printemps, nous maintenons notre pondération à neutre. La tendance devrait être haussière pour les six à douze prochains mois, mais de manière plus irrégulière. Les marchés sont soutenus par les taux bas et l’activité des banques centrales. Toute évolution dépend d’une solidification raisonnable de la reprise économique pour justifier les multiples boursiers élevés. Ainsi, tant que les perspectives de croissance restent favorables, un potentiel d’achat existe lors de consolidations. À l’intérieur de cette classe d’actifs, les valeurs technologiques dominent la reprise, malgré leur correction récente et le retour des thèmes plus sensibles à la conjoncture durant l’été. Une reprise raisonnable peut en outre aider au rattrapage des autres secteurs, sans forcément nuire aux valeurs qui ont bien résisté durant la crise, car leurs fondamentaux restent solides. Nous privilégions ainsi de manière prudente les marchés américains et d’Asie du Sud-Est ainsi qu’une diversification dans la zone euro. Notre approche du marché suisse est plutôt neutre avec un biais baissier en cas d’accélération de la croissance.

2. Quels sont les risques à court terme pour les marchés?

Les marchés des actions sont soumis à des risques cycliques à court terme. La fin de la phase de rattrapage en V de l’économie pourrait engendrer des déceptions au gré des publications statistiques. Le risque de correction est d’autant plus grand que les valorisations sont élevées. Il est alors important de suivre les indicateurs avancés et autres mesures du niveau de risque. La remarque vaut notamment pour le secteur technologique, important sur les marchés américains et d’Asie du Sud-Est. Les nuages peuvent également provenir de la situation géopolitique, voire politique tout court selon le résultat des élections américaines en novembre. Enfin, la pandémie de coronavirus et son évolution continueront de peser sur l’économie et les marchés.

3. Quels autres actifs offrent un potentiel de diversification?

Les obligations de qualité ne sont plus forcément une option dans la mesure où la corrélation entre les perspectives de croissance et les rendements obligataires semble avoir été rompue par la répression financière des banques centrales. Ainsi, parmi les titres à revenus fixes, les titres à haut coupon sont à privilégier, mais de façon raisonnable. Les matières premières – surtout les métaux – pourraient gagner en attractivité si les taux et le dollar restent bas. Le billet vert devrait rester irrégulier à faible, car, si toutes les banques centrales agissent, aucune n’atteint l’ampleur de la Fed. Il pourrait toutefois se renforcer lors de périodes incertaines.