Propriétaire, locataire ou personne désirant investir, voici quelques points clés pour comprendre le marché immobilier suisse.
Demande soutenue par l’immigration
Avant la fin de l’année, nous serons 9 millions d’habitants en Suisse. L’immigration augmente à nouveau en raison notamment du manque de main-d’œuvre et de la guerre en Ukraine.
Conséquence: selon l’Office fédéral du logement cité dans la presse alémanique, il manquera entre 5 000 et 10 000 appartements par an dans les années à venir. D’autres chiffres cités évoquent un total de 50 000 appartements manquants dans les trois ans. Dans le canton de Vaud, il pourrait ainsi manquer plus de 5 000 logements en 2026.
Offre: baisse des constructions
Après plusieurs années de hausse, la construction de nouveaux logements ralentit. La baisse des permis de construire touche l’ensemble du pays et n’épargne pas le canton de Vaud. En cause, la hausse des taux, la progression des coûts de production et la raréfaction des terrains à bâtir.
Dans le canton de Vaud, l’offre en logements se concentre sur l’arc lémanique, et notamment dans la région lausannoise où de grands projets sortent de terre. Ils ne suffiront cependant pas à satisfaire la demande.
Conséquence: le taux de vacance est très bas, à 1,31% (derniers chiffres officiels disponibles de juin 2022). Il tombe même à 0,49% à Lausanne. Ce qui signifie que, sur le plan national, nous sommes en situation de pénurie de logements, puisque la barre de 1,5% a été franchie. On évoque la plus importante pénurie depuis plus de 30 ans.
Hausse des taux en arrière-plan
Le marché immobilier n’aime guère les périodes inflationnistes. Elles renchérissent les coûts du financement et de la construction. Ils font pression sur la valorisation des immeubles. La Banque nationale suisse (BNS) devrait poursuivre son mouvement de relèvement du coût de l’argent tant que l’inflation dépassera son objectif à long terme de 2%. En ce qui concerne les taux longs, plus réactifs à la situation macro-économique, ils devraient rester irréguliers.
Conséquence: la hausse des taux devrait faire pression sur les prix, louer devenant par endroits plus avantageux qu’acheter. Or elle n’a pas encore eu d’influence en raison d’une faible liquidité et de la situation tendue entre offre et demande. L’évolution des taux devrait par ailleurs permettre un rééquilibrage de la production au profit de la PPE. La quête de rendement avait en effet poussé les propriétaires institutionnels vers une offre essentiellement locative.
Des valorisations plus réalistes pour les fonds immobiliers
Après avoir vécu la pire année depuis sa création, l’indice des fonds immobiliers suisses a rebondi en début d’année. La chute de l’an dernier était à mettre essentiellement à l’actif des agios, ces primes que le marché accepte de payer pour détenir de l’immobilier coté. Les fondamentaux du marché restent solides. Malgré la hausse des taux, les valeurs nettes d’inventaire (VNI) ont résisté, soutenues par la vigueur du marché. Il est encore intéressant de noter que, malgré le retour des rendements obligataires, le différentiel entre les deux classes d’actifs demeure en faveur de l’immobilier coté.
Conséquences: les fonds immobiliers se traitent de nouveau à des prix attractifs. La classe d’actifs reste par ailleurs une bonne couverture contre l’inflation dans la durée. L’immobilier titrisé offre en effet une certaine capacité de résilience en matière de revenus, car les propriétaires peuvent actualiser les loyers dans la limite des conditions légales et de marché.
En conclusion
Les fondamentaux du marché de la pierre restent sains. L’étroitesse de l’offre, accentuée par l’excédent migratoire et le ralentissement de la construction, contrebalance l’effet négatif de la hausse des taux sur la valeur des objets. Les prix des transactions se stabilisent et le marché devrait montrer une certaine résilience dans les prochains mois. Sur le segment spécifique des fonds immobiliers, la purge des excès générés par une décennie de taux bas est bien avancée. Il redevient intéressant de s’exposer à cette classe d’actifs dans un portefeuille diversifié.
David Michaud, économiste immobilier, BCV